jeudi 8 novembre 2007

La privatisation, un choix politique... pas un impératif économique

La prochaine campagne nationale du CIEP/MOC portera sur les dangers de la libéralisation et de la privatisation de secteurs considérés jusqu’ici comme services publics, en particulier de celui de la poste.

Des dangers que le grand public ne perçoit pas toujours mais qui nous concernent tous. Les consommateurs vont payer leur gaz ou leur électricité plus cher s’ils habitent dans une région isolée, ou ne trouveront plus de bureau de poste dans leur quartier. Les travailleurs de ces secteurs se verront imposer plus de flexibilité pour des salaires souvent plus bas. Les générations futures subiront les conséquences de stratégies de rendement à court terme négligeant la protection de l'environnement et le développement durable.
Imaginer que les lois de la concurrence opéreront dans le sens de l'intérêt général est un leurre.
La Belgique, comme ses voisins, a pu développer un réseau ferroviaire desservant jusqu’à des villages isolés. Elle a acheminé l’eau, l’électricité, le gaz jusque dans des hameaux ardennais sans en répercuter les surcoûts sur les habitants. Elle a implanté des bureaux de poste dans les quartiers, même les plus « défavorisés ». Pourquoi, tout à coup, nos Etats ne pourraient-ils plus assumer le coût de ces services publics, alors même que nous n'avons jamais produit collectivement autant de richesses ?
La libéralisation est un choix politique et non une obligation imposée par de soi-disant impératifs économiques. Un autre choix eut consisté à renforcer la solidarité en osant d’indispensables réformes de nos services publics : améliorer le service, chasser les gaspillages, traquer les dysfonctionnements.
On notera que le taux de satisfaction le plus faible vis-à-vis du service postal en Europe est celui de la population suédoise (61%). Or la Suède fut le premier pays à privatiser son service postal en 2003. Le prix moyen d’un courrier pour le particulier y a augmenté depuis lors de 95% alors que le prix pour le courrier industriel a diminué de 50% !
Privatiser, c’est accepter que les bénéfices des entreprises profitent à leurs seuls actionnaires et que les coûts indirects, eux, soient systématiquement reportés sur la collectivité. Si la rentabilité amène à délocaliser, qui revitalisera les quartiers délaissés par l’entreprise ? Si elle amène à systématiser le transport par avion, qui dédommagera les riverains des aéroports ? Les exemples de ces coûts indirects sont nombreux.
Mais si la libéralisation est un choix, reste à savoir qui choisit. Rarement, dans une Europe qui se veut démocratique et citoyenne, des décisions qui influencent aussi directement le quotidien des gens n’ont été aussi peu débattues. Comme si les lois économiques de la concurrence étaient des lois naturelles qui ne peuvent être ni discutées ni amendées. Les citoyens et leurs organisations, mais aussi nos responsables politiques nationaux, ne peuvent rester sans réagir; sans cela, le « modèle social européen » relèvera bientôt du passé. Est-ce là le vœu de la future coalition gouvernementale ? On peut le craindre, à lire le président du MR qui, le 23 octobre, déclarait dans les pages de l’Echo que « l’Orange bleue ne refusera pas d’étudier les privatisations ».

(Ce texte est paru en édito du n°61 du "Chou de Bruxelles", le bimestriel du Centre l'information et d'éducation populaire du MOC de Bruxelles)

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