samedi 21 décembre 2013

Help me make it through the night...




Voilà qui me ramène bien loin dans la mémoire de mes années passées, à une époque où je découvrais l'amour, encore interdit, et où tout donc me semblait possible. Pourquoi ce film, Mascara de Patrick Conrad, si vite tombé dans l'oubli, m'a-t-il tant marqué? Parce que j'étais amoureux de l'un de ses figurants, sans soute. Un amour trop éphémère. Et qui me donnait déjà la mesure de l'impossible amour. Tant d'années plus tard, je voudrais encore que l'on m'aide à traverser la nuit. Une nuit plus sombre désormais, que les lendemains se font plus urgents. Mais j'ai aussi aimé, je m'en souviens, le mélange des genres, des langues et des cultures. Le néerlandais m'a semblé si beau tout à coup. L'allemand plus proche que jamais. Peut-être étais-je réconcilié enfin avec ma belgitude, même si, au fond, c'est l'anglais qui domine dans cette chanson. Mais comme tout cela s’accommode ici, forme finalement une harmonie, qui laisse à rêver que dans la différence la rencontre est enfin possible. C'était mon rêve de jeunesse: croire que ma différence avait quelque chose d'universel. Croire que défendre les droits d'une minorité, c'était défendre ceux de toutes les minorités. J'ai milité pour cela, et déchanté depuis. Le droit à la différence a fait long feu, l'indifférence a gagné. Et le mariage pour tous est devenu celui de quelques privilégiés, si souvent aveuglés par leur éphémère insouciance. Ailleurs, les homos sont persécuté plus que jamais. Ici, les étrangers sont refoulés comme jamais. Partout, les égoïsmes dominent. Oh, help me make it through the night...

samedi 9 novembre 2013

Recette du bon vieux stoemp bruxellois

Le stoemp, c'est comme tant d'autres plats "nationaux" traditionnels, il y a autant de façons de le préparer que de familles pour le déguster. Sorte de potée belge, même bruxelloise, le stoemp se caractérise notamment par sa cuisson à l'étouffée. Et comme, en surfant, je suis tombé sur des recettes particulièrement compliquées, je permets de vous livrer la mienne, toute simple et plutôt sympa, je trouve.
Le stoemp se prépare avec des pommes de terre, même type que les patates à frites, ni trop fermes ni trop farineuses, et à peu près n'importe quel autre légume: carottes, poireaux, chou, épinards, chicons, cresson, etc. Prenons l'exemple du stoemp poireaux.

Ingrédients: 
- un oignon
- 600 gr de pommes de terre
- 500 gr de poireaux
- beurre ou huile d'olives
- un fond de bouillon de légumes
- thym, laurier, noix de muscade et persil
- crème fraîche (facultatif)

Préparation:
- faire revenir l'oignon dans un fond d'huile ou de beurre
- éplucher patates et carottes et les émincer
- faire revenir patates et carottes quelques minutes dans l'oignon
- mouiller avec le fond de bouillon
- ajouter thym, laurier, muscade, sel et poivre
- couvrir et laisser cuire à feu doux pendant 40 bonnes minutes
- mélanger de temps à autre et vérifier que cela n'attache pas
- ajouter si besoin un peu de liquide
- la cuisson est achevée lorsque les légumes se fondent en purée. Au besoin, l'achever grossièrement à la fourchette ou plus finement au presse purée
- ajouter, selon le goût, un peu de crème ou de beurre
- finir avec un peu de persil haché 
- servir bien chaud avec du lard grillé, de la saucisse, du boudin... et, pour ceux qui aiment, le jus de cuisson de la viande. 

Certains cuisent séparément les légumes et les fusionnent en dernière minute. Je ne vois pas l'intérêt. Non seulement c'est plus compliqué, ça fait plus de vaisselle, mais les parfums se mélangent moins bien. L'un des secrets de cette préparation, me semble-t-il, c'est le temps de cuisson. Il ne faut pas être pressé. Mais une fois de plus, il y a autant de recettes que de familles...

mercredi 30 octobre 2013

Tant que l'on érigera le travail en valeur suprême et l'argent comme seule marque de réussite...

Certains jours, je me dis que je deviens vraiment un vieux con. Tellement con que je me demande comment je supporterai encore ce monde à 70 ou 80 ans, si j'arrive jusque là. Déjà, je ne peux plus encaisser les automobilistes qui déboitent sans clignotant; ceux qui qui se calent une fois pour toutes à 120 sur la bande du milieu; ceux qui remontent les files pour se rabattre au dernier moment, avec ou sans clignotant. Je m'énerve contre la musique et les pubs débiles qu'on déverse à gerbes continues dans ma salle de sport. Je fulmine contre les entraineurs qui ne s'adressent qu'aux jolies filles et vous nient la tronche. Je méprise les jeunes bodybuildés qui s'invectivent à travers la salle comme s'il n'y avait qu'eux et se tâtent les pectoraux hypertrophiés que je soupçonne inversement proportionnés à la somme de leurs neurones. Mais je ne parviens toujours pas à raffermir ma poitrine...
Et je deviens d'autant plus con que je ne trouve pas de remède à ma connerie, sinon le rêve d'aller finir mes jours à la montagne. D'autant plus illusoire que je n'en aurai bien sûr jamais les moyens, à force de jobs à durée déterminée et de salaires tout juste décents. Mais pourquoi la montagne? J'ai l'impression d'y être né, c'est presque vrai. C'est là, sans doute, que j'ai vécu les moments les plus intenses de mon existence. Depuis l'enfance, et sur une paire de skis depuis bientôt trois ans. Mais ça n'explique pas tout. La montagne, c'est aussi, à mes yeux, le règne du dépouillement. Un sommet, on le gravit avec ses jambes, une dose d'humilité et de bonnes chaussures, certes, mais bien rodées. On s'en fout du dernier cri. Une piste noire, ça se dévale avec un peu de folie, une boule dans le ventre, et une bonne paire de skis. Mais à cette vitesse, qui a le temps d'en noter la marque? Un sommet, comme une piste noire, une crête ou un lac glacé, ça reste - pour combien de temps encore? - une rencontre avec soi. Oh, je ne parle pas de se surpasser, de dépasser ses imites et ses peurs. Je me méfie de ces concepts de "team builders" qui ne voient que rentabilité. Je parle de cette capacité de s'émerveiller pour quelque chose qui n'a pas de prix. Quelque chose qui nous dépasse et nous grandit, au lieu de nous écraser. La beauté, quoi!
Pour moi, c'est juste l'inverse de ce monde où le vieux con que je suis ne se retrouve pas. Si les gens remontent les files dans leur BMW de société, s'ils roulent des mécaniques dans les salles de sport, s'ils ne rêvent que de célébrité et vêtements de marques, s'ils traitent les filles comme des paquets de viande, ce n'est pas tant qu'on ne leur a rien appris, certains ont même fait de brillantes études. C'est peut-être qu'on a oublié de les prendre pour des personnes, à force de les considérer comme des consommateurs juste bons à faire tourner un modèle qui ne profite qu'à quelques uns et laisse tous les autres, au mieux, dans l'illusion; au pire, dans la désolation.
J'entends partout, surtout à gauche, qu'il faut mettre le parquet sur l'enseignement. Et je lis, chez les mêmes, qu'il faut mettre la priorité sur l'emploi. Très bien, 25 ou 50% de jeunes au chômage c'est juste criminel. On est d'accord. Mais si l'on se contente de former des jeunes pour qu'ils trouvent de l'emploi, qu'aurons-nous gagné? D'autant qu'il n'y a pas assez d'emplois... Tant que l'on érigera le travail en valeur suprême, l'argent comme seule marque de réussite, la célébrité comme unique indice d'existence... je ne vois guère d'autre horizon que la montagne, dès lors que le sexe, et l'amour qui pourrait aller avec, deviennent aussi objets de consommation.
Mais en vieux con pas encore totalement sénile, je serais ravi d'avoir tort cette fois encore...


mercredi 24 avril 2013

Le "Printemps français" est en marche...

Et dire qu’il y en a qui appellent ça «le printemps»! Bon, c’est vrai que l’hiver a été long, et rigoureux. Faut le reconnaître. Et c’est vrai que la jeunesse tient désormais le haut du pavé; toute fraîche éclose, si propre sur elle, armée de bons sentiments, de smartphones, et connectée aux réseaux sociaux. C’est vrai que cette jeunesse découvre les joies de la transgression. C’est grisant, à vingt ans, de se mobiliser: de battre le rappel des troupes, de scander des slogans, de fabriquer des calicots, de s’indigner des soirées entières, de refaire le monde et de se faire de nouveaux amis dans les manifs. C’est dingue de planter des tentes en toute illégalité, puis de passer la nuit en garde à vue et de s’en vanter ensuite. Et comme c’est exaltant ce sentiment de construire dans la rue, et dans la fraternité, la République de demain... On se sent devenir adulte. Citoyen, même. Pour un peu, on se croirait revenu au joli mois de mai '68, lorsqu’un autre monde était possible, teinté de fleurs, de musique et de grands lits. Il est d’ailleurs beaucoup question d’amour dans les rangs des « manifs pour tous »: amour des enfants, surtout, de la famille, toujours, de Dieu, généralement. De l’autre ? Ça dépend... Mais qu’importe ! les couleurs sont vives, les revendications fortes, l’ambiance bon-enfant. Dans son refus du mariage homosexuel, la droite française a réussi le pari de porter enfin des revendications «positives». Il s’agit moins de manifester «contre» les gays que «pour» des valeurs prétendues justes, voire généreuses. C’est cela, sans doute, qui a séduit tous ces jeunes des beaux quartiers. Et qui est inquiétant... Où sont-ils, ces mêmes jeunes qui sont notre avenir, ces jeunes instruits et décomplexés, lorsqu’on tabasse des homos, lorsqu’on expulse des Roms, lorsqu’on ferme des usines, lorsque tant d’autres jeunes se battent pour un boulot, lorsqu’on exclut des familles du chômage, lorsqu’on exploite des enfants qu’ils prétendent pourtant défendre? Pas dans la rue, en tout cas. Le printemps est bien sombre cette année, ne trouvez-vous pas ?

jeudi 7 mars 2013

Carterpillar: quelle sauce serons-nous mangés ?

A quelle sauce serons-nous mangés ? Voilà une question qui doit brûler bien des lèvres en ce début d’année morose et incertain. Les 1.400 ouvriers et employés de Caterpillar Gosselies, comme les 1.300 travailleurs d’ArcelorMittal Liège, et les 8.000 autres de Ford Genk et ses sous-traitants connaissent la réponse : ce sera chômage ! Et dégressif, de surcroît, grâce au gouvernement fédéral qui continue de penser qu’il n’y a qu’à chercher du travail pour en trouver... Pour tous ces nouveaux demandeurs d’emploi, la question est davantage de savoir ce qu’ils vont manger et servir à leur famille. Ce sera vaches maigres... Et pour longtemps. Oubliés les petits restos du vendredi et les lasagnes toutes préparées en semaine. Au moins, ils pourront se consoler; si la crise économique les frappe au cœur, la crise alimentaire ne les atteindra pas. Quoique... Chaque semaine nous apporte son lot de révélations dans l’affaire de la fraude à la viande de cheval. À tel point qu’on a vite fait d’oublier que du porc, aussi, s’est glissé dans des hamburgers 100 % pur bœuf servis notamment à des prisonniers musulmans. On n’en est plus à se préoccuper des minorités. C’est toute la chaîne alimentaire qui vacille, comme voici dix ans lors de la crise de la vache folle. Et l’Europe n’est plus la seule touchée. Ikea a décidé de retirer ses boulettes de ses magasins de Malaisie, de Thaïlande et à Hong Kong. Et, comme si cela ne suffisait pas, voilà qu’on apprend par le journal « Le Monde » que de la viande de girafe aurait été décelée dans des bâtonnets d’antilope en Afrique du Sud... La crise est planétaire, ma bonne dame ! Non seulement on ne sait plus ce qu’on mange, mais on ne sait toujours pas à quelle sauce on sera mangés. Et on voudrait nous faire croire qu’il n’y a que les vaches pour être folles dans ce monde du tout au profit...

jeudi 31 janvier 2013

La revue Démocratie prend un coup de fraîcheur

La nouvelle Une du journal
La revue Démocratie s'est offert un coup de fraîcheur à l'occasion de l'an neuf. Désormais, vous la retrouverez tous les mois, et non plus deux fois par mois, mais forte de seize pages au lieu de huit, dans un graphisme plus actuel, et, nous l'espérons, plus lisible. Si l'esprit ne change pas, nous souhaitons offrir plus de diversité de sujets, des rubriques nouvelles, une structuration plus claire, avant de proposer un nouveau site internet. Que ce soit l'occasion de vous remercier de votre fidélité et de vous souhaiter nombre de lectures critiques encore. Je veux aussi saluer Marie-Hélène Toussaint pour le remarquable travail de graphisme qu'elle a fait dans des conditions difficiles et Nicolas Vandenhemel pour son accompagnement rédactionnel attentif et intelligent. Retrouvez la nouvelle formule de Démocratie sur www.revue-democratie.be. Et n'hésitez pas à vous abonner, le prix, modique, lui n'a pas changé.

mardi 22 janvier 2013

L'approche par les capabilités peut-elle inspirer une nouvelle politique de lutte contre la pauvreté?

Souvenez-vous, l’année 2010 avait été décrétée « année européenne de lutte contre la pauvreté ». Généreuse intention qui, dans les faits, s’est traduite par une augmentation sévère de la pauvreté dans l’ensemble des pays européens. Avec son homologue flamand, l’ACW, le MOC a voulu que les belles intentions de l’époque ne restent pas lettre morte dans les archives de l’Union. Depuis bientôt trois ans, les deux organisations ont constitué un réseau, les  Alliances pour la lutte contre la pauvreté, qui rassemblent 11 mouvements sociaux, 10 syndicats, 16 chercheurs issus de 13 pays de l’Union. Ces Alliances ambitionnent de porter une série de revendications communes à la veille des élections européennes de 2014 en vue de changer radicalement les options politiques qui ne cessent de creuser les inégalités. L’une des originalités de la démarche est de proposer une nouvelle grille de lecture des inégalités et de la façon de les dépasser. Il s’agit de l’approche par les capabilités développée par le prix Nobel d’économie Amartya Sen. Cette approche qui réussit à concilier la complexité du monde avec une solide base de justice sociale et une démocratie renforcée peut-elle inspirer une nouvelle politique de lutte contre la pauvreté ? Cette interrogation fut au centre d’un séminaire organisé par le MOC et l’ACW en janvier 2012. Un an plus tard, les actes de ce colloque viennent de paraître. Ils permettent, par des exemples concrets et un langage direct d’appréhender une théorie certes complexe, mais porteuse de réels espoirs.

«The capability approach», Rapport du Séminaire de 2012, 160 pages, à commander auprès de: maria.vazques@moc.be