vendredi 17 juin 2011

Des loup et des moutons

Ce matin-là, après avoir appris la possible libération conditionnelle de l’ex-compagne de Marc Dutroux, j’étais décidé à virer des mes «amis» Facebook tout qui irait grossir la liste des 78.000 fans d’un groupe «Contre la libération de Michelle Martin». Non pas que je me réjouissais de la décision de justice ou que j’étais indifférent au choc que devaient éprouver les victimes et leurs proches. J’appréhendais juste les cris d’orfraie si dangereux pour la démocratie. J’espérais quelque propos mesuré sur le fait que priver de tout espoir le criminel, même le plus odieux, est toujours une mauvaise solution.
Laurent Wauqiez en indélicatesse avec les chiffres...
J’en étais là, à espérer encore, lorsque je découvris les propos télévisés d’un homme d’État, et pas le moindre. Après l’élimination d’Oussama Ben Laden, l’ancien vice-président américain, Dick Cheney, plaidait pour: «un retour aux techniques d’interrogatoires musclées instaurées par l’administration Bush». Bref, la torture pour lutter plus efficacement contre le terrorisme. Je m’arrête là, ou je continue? Parce qu’un peu plus tard dans la même sinistre journée, j’ai aussi découvert les propos du ministre français des Affaires européennes. En pleine crise économique, Laurent Wauqiez a cru bon de dénoncer les «dérives de l’assistanat». Pour lui, un couple bénéficiant du RSA (à peine 800 euros) gagne plus qu’un autre couple dans lequel il y a une personne qui travaille au salaire minimum (1.365 euros). Cette «injustice» ferait, selon lui, le lit du FN. Et on se demandera qui, en France, court derrière le FN. Mais je me demande surtout comment, avec une telle classe politique, espérer qu’un jour les moutons cessent de hurler avec les loups...

lundi 13 juin 2011

L'antipolitique, les mots piégés de la politique

Le sociologue Richard Lorent avait déjà consacré plusieurs ouvrages à une forme spécifique de protestation politique: le vote pour des partis d’extrême droite. Dans «Le suffrage détourné» par exemple, il développait l’idée que ces choix sont souvent l’expression de personnes qui n’ont pas pu trouver dans le paysage politique traditionnel le moyen de manifester leur ressentiment. Ressentiment généralement nourri par la dégradation des moyens d’existence, précise-t-il très justement. 
Dans son dernier ouvrage, «L’antipolitique, les mots piégés de la politique», l’auteur franchit un pas supplémentaire dans son analyse des difficiles rapports entre les citoyens et la (le) politique. Se plaçant cette fois davantage du côté de l’élu que de l’électeur, Richard Lorent démontre mot après mot, subtilement agencé d’ailleurs, comment les politiques parviennent à disqualifier la critique émanant de l’électeur déboussolé par une crise communautaire qui enlise le pays ou le ressentiment du citoyen lassé de payer une crise économique provoquée par des marchés déjà requinqués. Qu’ils traitent de «populiste» un vote désespérément contestataire, de «poujadiste» une interpellation légitimement citoyenne ou d’apolitique un bulletin ostensible blanc, ces responsables politiques ne qualifient jamais innocemment, mais toujours approximativement. Et c’est justement cette approximation tendancieuse, cette déformation du sens initial qui leur permet de balayer la critique, d’ignorer la plainte sociale et de maintenir, surtout, le système de domination en place. Un système qui «se place sans pilote repérable au service de deux objectifs complémentaires devenus automatiques: enrichir une minorité et, dans ce qui demeure, broyer la part nécessaire pour garantir le maintien du système» ajoute l’auteur. «L’antipolitisme...» un ouvrage à recommander donc, d’abord et avant tout aux nombreux décideurs qui déplorent si prestement la défiance croissante de la population envers la classe politique.

Lorent, R., «L’antipolitisme, les mots piégés de la politique», Couleurs Livres, Charleroi, 110p., 14 euros, www.couleurlivres.be.