mercredi 26 novembre 2008

Sentiments (très) distingués

"Voici une présentation de ce que mon être se met à créer à certains moments... écrit Thomas Rousseau, pardon Samoth, en ouverture de son blog. Rien de prétentieux, juste un défouloir! poursuit-il. Mais aussi une passion!"

Quelques mots simples, presque timides, pour présenter une oeuvre nettement plus complexe et forte, souvent torturée, urgente parfois, peut-être même naïve, mais jamais lisse ou facile, jamais terne ou banale, ni superflue. Sûrement pas superflue.

Samoth fait partie de ces hommes qui ont des choses à dire. Et qui attendent d'avoir mal pour les exprimer. Cela donne ces visages surexpressifs, ces regards désespérés, ces lèvres charnues, ces couleurs chaudes, malaxées, comme matière vive.
Samoth est de ces gens qui ont du talent, à revendre, mais ont peur de le galvauder. Pas question de s'inscrire dans une académie, même pour rompre la solitude du créateur; les profs, les perspectives, les harmonies de couleurs risqueraient d'altérer cette spontanéité dans laquelle il se défoule tant. A tort, ou à raison...

Samoth est un poète, qu'il l'admette ou non. Au-delà des coups de pinceau ou de couteau, sous les coulées des fusions, dans la pureté des abstraits, derrière les mille visages de la dame, se glissent des titres jolis, drôles, forts; des oeuvres en soi: "Capitulation", "Raoul le fromager", "Ida la bergère" - que l'on voit ici - ou encore, "Chamboulpeine", "Le cabossé de la Jaguar", "Bonjour je suis nouveau ici", "L'incertitude poilu", "Pélagie regarde un poisson cru", "Je peins comme ça me tombe sous la main"... Des titres qui en disent long, même si lui, il prétend les choisir presque au hasard.

Samoth est un homme, beau et jeune, timide et exubérant, tout en doutes et en recherche. Son esprit, dirait-on, n'est jamais au repos. Il conçoit à l'heure cent idées, généralement bonnes, toujours folles. Il se lève à l'aube pour ne gaspiller aucun moment créatif et se couche tôt pour assimiler idées et fantasmes. Il gère ses silences, moins timide qu'il n'y paraît, ou s'abandonne en flots de paroles, trop longtemps contenues.
Thomas regarde les gens, les visages, les histoires humaines, à travers ses grands yeux, si bleus.

La crise financière par sa face cachée


Voici un texte sur lequel nous avons longuement travaillé au Mouvement. Pour un résultat dans lequel je me retrouve largement et quelques réflexions que j'aimerais partager
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Depuis des semaines, la crise est analysée par d’éminents spécialistes et politiques de tous bords… L’évolution de la Bourse, de l’euro, du pétrole, de l’activité économique est commentée au jour le jour. Pourtant, cette masse d’informations semble le plus souvent passer à côté d’une analyse sérieuse des causes de cette crise et des leçons politiques qu’il faut en tirer. Non pas les causes techniques (bulle immobilière, produits toxiques, etc.), ni les leçons politiques immédiates (régulation, contrôle, etc.), mais les causes « systémiques » et les leçons structurelles à long terme.

Le subprime n’est pas le problème

Commençons par les causes systémiques. Les fameux subprime, dont on nous dit qu’ils sont à l’origine de la crise, ne doivent ni leur naissance ni le lieu de leur formidable essor au hasard. Les subprime, c’est-à-dire les emprunts hypothécaires « sous-garantis », sont nés aux États-Unis, où, depuis les années Reagan, la politique de restriction salariale a multiplié le nombre de « travailleurs pauvres ». Deux récents rapports , l’un de l’OIT l’autre de l’OCDE, montrent que dans le monde, et aux États-Unis particulièrement, les inégalités salariales se renforcent depuis plus de vingt ans, la pauvreté augmente, et l’on assiste à un recul notoire de la part des salaires dans la valeur ajoutée. C’est vrai également en Europe, où la part salariale normalisée dans la valeur ajoutée est passée de 66,3 % en 1982 à 57,7 % en 2006 . Un contexte « idéal » pour le développement des subprime. Certes, il faut ajouter que ces crédits à risque ont fait le bonheur des courtiers, spéculateurs, traders et autres vautours de la finance.
Mais le problème de fond n’est pas le subprime en lui-même, c’est l’appauvrissement croissant d’une part importante de la population américaine, appauvrissement dont les causes ne sont pas à rechercher bien loin : développement du travail temporaire et à temps partiel, compression des salaires – en tout cas au bas de l’échelle –, médiocrité des prestations sociales (soins de santé, pensions, chômage), insuffisance chronique de services publics. En somme, la crise financière et économique que l’on nous montre au grand jour a une autre face que l’on nous cache : celle de la crise de l’emploi et des modes de redistribution. Imaginons un instant qu’aux États-Unis, les travailleurs aient tous un emploi stable, de qualité, rémunéré à sa juste valeur, et qu’ils aient droit aux soins de santé, à une pension légale, et au chômage en cas de perte d’emploi : la plupart d’entre eux n’auraient jamais dû recourir aux subprime, et ceux-ci n’auraient pas contaminé le système financier international. On peut s’étonner que cet aspect des choses ne fasse pas la une de l’actualité, que les analystes financiers ignorent superbement les questions de redistribution, et que la plupart des experts arrêtent leurs analyses aux subprime et se refusent à remonter plus haut, en amont, dans l’analyse d’un système fondé sur l’accroissement des inégalités.

La régulation ne suffira pas

Dès lors que l’on admet que la crise financière et économique plonge ses racines dans une crise de l’emploi et des modes de répartition, il faut en conséquence en adapter les réponses politiques. Certes, aujourd’hui, tout le monde semble s’entendre sur le fait que la régulation, la transparence et le contrôle des institutions financières doivent être renforcés.
Au Mouvement ouvrier chrétien, nous pourrions ironiser sur les surprenants changements de discours, sur les soudaines conversions de la droite antiétatique, sur la nationalisation précipitée d’institutions bancaires par un ministre libéral. Car, avec d’autres, nous avons toujours défendu le rôle de l’État, que ce soit pour développer les services publics, ou pour organiser et réguler la finance ; et ce, moins pour des raisons idéologiques que parce que nous souhaitons plus de contrôle démocratique et d’équité sociale.
Nous pourrions aussi rappeler que, alors que les mouvements sociaux comme le nôtre réclamaient le renforcement de la pension légale, basée sur la solidarité et la répartition, des responsables politiques ont préféré encourager fiscalement le recours aux deuxième et troisième piliers de pension, conduisant ainsi beaucoup de nos concitoyens à placer leur confiance dans ce qui pourrait se révéler être une chimère.
Mais le temps n’est pas à l’ironie. Il est aux leçons à tirer de cette double crise. Or, la régulation, la transparence, le contrôle, aujourd’hui présentés par tous comme la solution, ne s’attaquent pas aux racines du mal. Ils ne s’attaquent qu’aux questions de fonctionnement, bien réelles, mais presque marginales par rapport à l’ampleur du problème global. Le jour où les banques seront parfaitement transparentes et contrôlées, octroieront-elles des emprunts hypothécaires aux familles des travailleurs pauvres qui ont besoin de se loger ? Si la réponse est « non » (parce que le risque est trop grand), cela voudra dire que le sauvetage des banques se sera fait au prix de l’abandon pur et simple des travailleurs au bas de l’échelle sociale, qui ne pourront plus compter ni sur leur salaire, ni sur l’emprunt pour se loger. Mais alors, quel devrait être le rôle du politique là-dedans ? En réalité, il ne doit pas faire en sorte que la réponse à cette question soit « oui », mais il doit faire en sorte que cette question ne se pose plus. Qu’il n’y ait plus de travailleurs pauvres, tout simplement. Que chacun, par son travail et par la protection sociale, puisse disposer de ressources suffisantes pour pouvoir se loger, se nourrir, se soigner. Ce simple énoncé paraissait évident il y a 30 ou 40 ans. Quelques décennies de néo-libéralisme, et de croissance, sont parvenues à le rendre presque suspect, presque doctrinaire, alors qu’il ne s’agit rien de moins que de reconnaître la condition humaine, en deçà de laquelle nous sommes dans le registre de l’exploitation.
Au moment de négocier un nouvel accord interprofessionnel, il n’est pas inutile de rappeler cela au monde patronal : faute de s’engager à inverser les tendances récentes particulièrement défavorables aux travailleurs, les négociateurs de l’accord interprofessionnel se condamnent à remettre en place les conditions d’une nouvelle bulle ou à entériner l’appauvrissement durable des travailleurs.

Améliorer la qualité de vie

Mais il y a dans cette double crise, un troisième aspect que l’on ne peut passer sous silence. C’est celui d’une remise en question non plus du capitalisme financier, mais du capitalisme tout court, de la croissance à tout prix qui épuise les ressources de la planète. On a pu entendre ces dernières semaines que la crise économique qui s’annonce sera bénéfique pour la lutte contre le changement climatique. Pourtant, le pire des scénarios serait de se contenter de sauver les banques, d’attendre que la crise passe en assistant, tout heureux, à la baisse passagère des émissions de CO2, puis de recommencer le business as usual. Il faut profiter de ce moment de déséquilibre pour imaginer de nouveaux modes de développement qui ne nous conduisent pas à une dette environnementale abyssale et aux désastres sociaux sans précédent qu’elle entraînerait inévitablement. Or, de ce point de vue, l’optimisme n’est pas de mise. Tout comme le capitalisme financier n’a pas vu venir la crise, tant il était obsédé par la recherche du profit rapide, le capitalisme tout court ne semble pas voir venir la crise climatique et environnementale, tant il est obsédé par la recherche de nouveaux marchés et la création de nouveaux produits.
Certes, il est facile de parler de nouveaux modes de développement, mais plus difficile d’en dessiner les contours. Nous pensons que dans ce domaine, outre le politique et l’économique, le citoyen se doit d’agir. Si l’ensemble des habitants du monde accédait au niveau de vie des Européens, il faudrait les ressources de 3 planètes. S’ils décidaient de suivre le mode de production et de consommation des habitants des États-Unis, il en faudrait 6. Cela devrait suffire à nous convaincre qu’il nous faut absolument rompre avec ce modèle inefficace, inéquitable, pollueur et dévoreur de ressources, et au final : destructeur et meurtrier. Pour qu’un autre modèle soit possible, il nous faut transformer radicalement notre manière de produire, de consommer, de vivre. Il nous faut réclamer et obtenir plus de qualité de vie, par de meilleurs services publics, une répartition plus équilibrée du travail et de la richesse, l’égalité d’accès à l’éducation, aux droits culturels, à la santé. Il nous faut remplacer les indicateurs de croissance par des indicateurs de bien-être, social comme environnemental. Il nous faut exiger plus de redistribution sociale et de justice fiscale. Il nous faut promouvoir un modèle économique qui ne se fonde pas sur la compétition et les inégalités, mais sur la coopération et les services collectifs.
Sans cela, le chaos actuel pourrait laisser la place à une situation bien plus grave encore, dont on a peine à imaginer les conséquences pour l’humanité toute entière.
Thierry Jacques