lundi 13 juin 2011

L'antipolitique, les mots piégés de la politique

Le sociologue Richard Lorent avait déjà consacré plusieurs ouvrages à une forme spécifique de protestation politique: le vote pour des partis d’extrême droite. Dans «Le suffrage détourné» par exemple, il développait l’idée que ces choix sont souvent l’expression de personnes qui n’ont pas pu trouver dans le paysage politique traditionnel le moyen de manifester leur ressentiment. Ressentiment généralement nourri par la dégradation des moyens d’existence, précise-t-il très justement. 
Dans son dernier ouvrage, «L’antipolitique, les mots piégés de la politique», l’auteur franchit un pas supplémentaire dans son analyse des difficiles rapports entre les citoyens et la (le) politique. Se plaçant cette fois davantage du côté de l’élu que de l’électeur, Richard Lorent démontre mot après mot, subtilement agencé d’ailleurs, comment les politiques parviennent à disqualifier la critique émanant de l’électeur déboussolé par une crise communautaire qui enlise le pays ou le ressentiment du citoyen lassé de payer une crise économique provoquée par des marchés déjà requinqués. Qu’ils traitent de «populiste» un vote désespérément contestataire, de «poujadiste» une interpellation légitimement citoyenne ou d’apolitique un bulletin ostensible blanc, ces responsables politiques ne qualifient jamais innocemment, mais toujours approximativement. Et c’est justement cette approximation tendancieuse, cette déformation du sens initial qui leur permet de balayer la critique, d’ignorer la plainte sociale et de maintenir, surtout, le système de domination en place. Un système qui «se place sans pilote repérable au service de deux objectifs complémentaires devenus automatiques: enrichir une minorité et, dans ce qui demeure, broyer la part nécessaire pour garantir le maintien du système» ajoute l’auteur. «L’antipolitisme...» un ouvrage à recommander donc, d’abord et avant tout aux nombreux décideurs qui déplorent si prestement la défiance croissante de la population envers la classe politique.

Lorent, R., «L’antipolitisme, les mots piégés de la politique», Couleurs Livres, Charleroi, 110p., 14 euros, www.couleurlivres.be.

Aucun commentaire: